ferme, et ce n’est jamais sans une certaine répugnance qu’ils se déterminent à aller former un établissement dans l’intérieur, hors de la vue des côtes.** Pendant les années turbulentes du Grand Dérangement, les réfu- giés acadiens dans la région atlantique survivent dans une large mesure grâce à la pêche et à la chasse. Après le traité de Paris, ils sont recrutés en grand nombre par des entrepreneurs britanniques pour faire la pêche à leur compte. Ces Acadiens s’assurent ainsi d’une certaine protection et d’un moyen de subsistance. C’est un phénomène général que l’on retrouve aussi à l’île Saint-Jean. Lors du recensement de 1768, les chefs des 41 familles acadiennes dénombrées dans cinq endroits différents sont tous employés à faire la pêche pour le compte des Anglais qui possèdent la plupart des bateaux de pêche. Les Acadiens en possèdent cependant eux aussi, soit deux goélettes, cinq chaloupes et un sloop*. Quelques mois après son arrivée en 1770, Walter Patterson, le premier gouverneur de l’île, note que les Acadiens ont été embauchés par plusieurs sujets britanniques pour faire la pêche pendant l’été. Ils sont payés en nature avec du linge, du rhum, de la farine, de la poudre et des balles à fusil. On les engage aussi pour la cons- truction de bateaux. Dans les années qui suivent la conquête, c’est surtout l’industrie de la pêche qui attire les investisseurs anglais dans l’île. On pêche la morue et on chasse le phoque et le morse pour l’huile et la four- rure. Ces produits sont exportés à Québec, à Halifax et à Boston”’. Cette activité économique sera écourtée, sinon éliminée, par la révo- lution américaine, c’est-à-dire pendant les années 1770. En effet, l’île se trouve alors dans un tel état d'insécurité que toute activité commerciale d'importance cesse dans le domaine de la pêche. Désormais, le défrichement et l’agriculture auront priorité, autant chez les grands propriétaires terriens que chez les administrateurs de la colonie. Il faudra attendre le milieu du XIX® siècle pour voir l’industrie de la pêche reprendre une certaine importance dans l’éco- nomie de l’île. En attendant, ce sont surtout les Américains qui profitent des eaux poissonneuses de la colonie. Vers 1807, 938 bateaux américains font la pêche dans les environs de l’île*$. Même dans les années 1830, les Américains dominent dans ce domaine. Quant aux insulaires, ils ont à peine 20 bateaux qui pratiquent la pêche commerciale”?. Entre-temps, les Acadiens ne délaissent pas complètement la mer, même après le départ des entrepreneurs anglais qui les ont 66