et politique. En 1870, un Acadien de Tignish, qui s’adresse aux siens en français dans le Summerside Journal, fait un appel vibrant pour le relèvement de la «race acadienne» :
Messieurs, — j’ai considéré, depuis quelque temps, notre position parmi les autres races de l’Île et je vois que nous sommes beaucoup en arrière sous plusieurs rapports. Nous n’occupons pas la place dans la société que nous devrions occuper comme les plus anciens habitants de l'Île. Il nous faut emprunter presque tous nos hommes publics de chez les autres. La plupart de nos membres et magistrats, tous nos avocats et docteurs, même nos prêtres sont de races étrangères, et si, dans les paroisses acadiennes, il y a de petites offices à occuper ils sont tout de suite remplies par des Anglais. [...]
Le manque d’éducation causé par les injustes traitements de nos pères a été une des principales causes pour lesquelles nous sommes encore en arrière. Mais à présent, Messieurs, il est temps de se relever.….?
Les jeunes chefs d’alors savent que ce relèvement exigera un effort pour briser l’isolement culturel consolidé par les générations précédentes. Mais comment amener les Acadiens à sortir de leur solitude et à évoluer dans la société et la culture dominante anglo- phone, sans pour autant perdre leur langue et leur culture?
Cette question semble diviser la classe dirigeante acadienne de l’île. Les uns prétendent qu’une certaine anglicisation est nécessaire pour permettre au peuple acadien de rattraper le reste de la popu- lation insulaire. Les autres, sans toutefois s’opposer à l’apprentis- sage de l’anglais comme instrument d’avancement social, tiennent fermement à conserver intactes la langue et la culture françaises.
Ces deux positions divergentes caractérisent cette période de l’histoire acadienne. En effet, c’est l’époque où, à l” Île-du-Prince- Édouard, comme ailleurs dans les Provinces Maritimes, un fort courant de nationalisme acadien se développe. Mais ce courant nationaliste, qui suppose nécessairement une mise en valeur de la culture acadienne, se heurte à l’anglicisation grandissante des fran- cophones dans l’île. En effet, c’est pendant les dernières décennies du XIX® siècle que les Acadiens perdent le contrôle de leur système d’éducation en français. Ce fait explique, en grande partie, le courant d’anglicisation. Le processus est graduel. D’abord le gouvernement oblige les enseignants acadiens à obtenir un brevet d'enseignement en anglais et, plus tard, il anglicise presque complètement le programme d’études des écoles acadiennes.
La formation anglaise imposée aux enseignants acadiens influence sans doute le comportement de certains membres de la
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