Il y a quelques années passées, nos femmes portaient encore le vieux costume apporté de l’Acadie par nos mères. Elles y étaient très attachées. Il serait difficile de dire pour quelle raison, car il n’est ni joli ni même commode. A cause de lui les autres nations se moquaient de nous et nous tournaient en ridicule. Afin de pas donner de scandale, nous avons persuadé nos femmes d’adopter la mode du pays, et aujourd’hui la grande majorité d’entre elles sont habillées comme les femmes des autres peuples, elles ne s’en trouvent pas plus mal, et les Acadiens bien mieux.”
L’isolement culturel des Acadiens est définitivement rompu au cours des années 1860-1890. Ils s’intéressent de plus en plus à l'instruction, ils acceptent plus volontiers d’apprendre l’anglais (qui d’ailleurs leur est éventuellement imposé par le gouvernement), leurs fermiers s’initient à de nouvelles méthodes en agriculture, on s’in- téresse davantage à la vie publique. En même temps, cette ouverture sur le monde entraîne une anglicisation surtout perceptible dans les communautés où les Acadiens vivent entremêlés à une population anglophone, telles que Rollo Bay, Miscouche, Cascumpec et Tignish.
On estime que la population acadienne de l’île se chiffre à envi- ron 9000 en 1860. Lors du recensement fédéral de 1881, le premier à dénombrer les gens d’origine française comme groupe spécifique, les Acadiens comptent pour 9.9% de la population de la province, c’est-à-dire 10 751 âmes”.
A la remorque du clergé
Mgr Peter Mcintyre dirige l’Église catholique dans l’île tout au long de la période que nous étudions. Consacré en 1860, après la mort de Mgr Bernard Donald MacDonald, il demeure le prélat du diocèse jusqu’en 1891. Avant d’être appelé au siège épiscopal, il était curé de la paroisse de Tignish, canton à forte proportion acadienne. Le diocèse de Charlottetown, qui comprend à l’époque les îles de la Madeleine, connaît pendant son règne des dévelop- pements importants comme la fondation de nouvelles paroisses, la construction d’imposantes églises, l’ouverture de couvents et le recrutement d’un grand nombre de prêtres!°.
Pendant les premières années de son épiscopat, Mgr Mclntyre, comme son prédécesseur, doit faire appel au diocèse de Montréal pour trouver des curés résidants. Plusieurs prêtres québécois vien- nent donc oeuvrer dans l’île!!, ainsi que deux prêtres madelinots!?. On trouve même un prêtre d’origine française et un autre de natio- nalité belge qui passent quelques années parmi les Acadiens!?. Le
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