la situation ne s’améliore pas «toute trace de notre belle langue française sera effacée dans nos générations futures! De nos jours déjà, à peine pouvez-vous arracher une parole française, tant des instituteurs que des élèves. Qu’en sera-t-il dans cinquante ou cent ans?» Ainsi se font sentir de plus en plus les effets de ce système d’éducation anglicisant soutenu par le gouvernement de la province. La qualité de l’enseignement en français dépend presque uniquement de l'initiative des Acadiens eux-mêmes, en dehors du système offi- ciel. Quelles matières les élèves acadiens étudient-ils à cette époque? Les jeunes écoliers apprennent d’abord l’alphabet et la lecture fran- çaise. Dans la plupart des écoles, surtout avant 1877, la lecture anglaise n’est enseignée qu’à partir de la deuxième année, même beaucoup plus tard dans un grand nombre de cas. Il est intéressant de noter qu’on enseigne davantage l’anglais aux garçons qu’aux filles. Par exemple, à l’école de Saint-Félix en 1864, la plupart des filles n’apprennent pas d’anglais du tout. Toujours avant 1877, le manuel qui sert de livre de lecture est intitulé Le nouveau traité des devoirs du chrétien. On enseigne aux élèves les plus avancés la grammaire française (Grammaire Bonneau), la géographie (avec un manuel français) et l’écriture. En général, ce sont les élèves les plus âgés qui apprennent la lecture et la grammaire anglaises, tout comme l’arithmétique qu’on enseigne à l’aide d’un livre anglais, généralement le Gray’s and Thompson’ s Arithmetic®’. Dans quelques écoles, on enseigne également un peu de musique et dans la plupart, le catéchisme est enseigné en dehors des heures régulières de classe‘. Après la loi scolaire de 1877, l’élève apprend son alphabet et commence à apprendre à lire en français et en anglais dans les trois livres de la série Royal Readers. Ces manuels, qui comportent une page en anglais avec la traduction en regard, visent à faciliter l’ap- prentissage de la langue anglaise par le biais de la traduction. Quelques années après la mise en place de la nouvelle loi scolaire, le Bureau d'Education accepte la série Montpetit, livres de lecture française en usage dans les écoles du Québec”°. Les quatre premières années sont effectivement consacrées à la lecture et à l’orthographe en anglais et en français. Ce n’est qu’en cinquième année que l’éco- lier acadien est en mesure d’aborder la grammaire anglaise, la géographie et l’histoire, enseignées au moyen de manuels anglais’. Il va sans dire que l’enseignement du français souffre dans un tel 122