La vie sociale et culturelle 35 quéter de la nourriture pour les pauvres du village. Une petite partie des aliments recueillis servait par contre a cuisiner un fricot ou une rapure pour une féte qui avait lieu le soir méme chez une famille de la localité. Les jours gras, c’est-a-dire la semaine précédant le début du Caréme, constituaient jadis une période de festivités. La danse était a l’honneur presque tous les soirs, surtout le lundi et le mardi gras. On faisait aussi bonne chére en se régalant de poutines rapées, de rapure, de sucre a la creme et de tire a la mélasse. Quelques-unes de ces traditions ont été maintenues jusqu’a nos jours. La Mi-Caréme ne passait pas inapercue et elle a continué religieusement a faire sa visite annuelle dans la région jusqu’a la fin des années 1960, et par la suite de fagon sporadique. Il y avait deux traditions associées a cette féte du troisieme jeudi du Caréme. Il y avait d’abord la Mi-Caréme. II s’agissait d’une adulte bizarrement déguisée qui visitait seule les enfants, tot en soirée. Cette dame mystérieuse leur apportait des frian- dises pour les réecompenser de leur bon comportement pendant l’année. Chaque famille avait sa propre Mi-Caréme. Selon l’autre tradition, les jeunes, et parfois les adultes, se déguisaient et faisaient le tour des maisons du village, le plus souvent en groupe. Leurs hétes les invitaient a giguer et ils cherchaient a les faire parler. Ces Mi-Carémes portaient des batons pour éloigner ceux qui auraient voulu les démasquer. Le jeu, bien str, consistait a ne pas se faire reconnaitre. La Mi-Caréme a Abram-Village en 1979. (Coll. Georges Arsenault) «On s’a ben préparé a la Mi-Caréme. Toutes sortes d‘affaires qu’on se mettait sus le dos pis on courait les maisons. On faisait peur au monde des fois. On al- lait a toutes les maisons d’alentour. On courait en groupe, deux ou trois. On rentrait pis on disait: «Bonsoir. Nous connaissez- vous ?» Des fois, il y en avait qui giguaient. On dansait, on sautait. Ils avont essayé de me dé- masquer une fois, ben ils ont pas pu, j’courais trop vite. Ils avont pas pu nous pogner pour nous démasquer.» Hermine Gaudet, 78 ans en 1989