PORTES VUE.
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de l'écrivain : un animal indiquait la tribu, un autre la famille ou l'individu, et quelques signes conventionnels, se rapprochant autant que possible de la chose signifiée, composaient le message, toujours court et concis, gravé sur une feuille épaisse détachée d’un arbre, ou sur un morceau d’écorce de bouleau. Le temps a détruit ces fragiles monu-
ments littéraires, comme il a fait perdre aux Indiens leur
énergie primitive et leurs coutumes. À mesure que la nature sauvage de la forêt disparaît, disparaissent aussi les mœurs si simples de ces enfants des bois. Mais les colons français, soit dit à leur honneur, ont tenu à l'égard des Indiens une conduite qui ne mérite pas le reproche, lancé par un Canadien contre d’autres importateurs de la civilisation européenne : « On a beaucoup plus travaillé à les dépouiller qu'à les instruire » (1). En Acadie, les Indiens furent toujours traités comme des frères et des amis qu’on s’efforçait d’instruire. Quand les premiers jésuites arrivèrent en 1611, les sauvages, parlant français, se vantèrent « d’être presque normands » (2), c'est- à-dire de posséder déjà assez bien la langue française qui leur avait été enseignée surtout par Lescarbot. « Il y avait des hommes qui nous demandaient d'apprendre le français avec eux », et ne ménageaient pas leurs efforts pour bien prononcer : « un jeune indien s’évertua deux ou trois cents fois pour prononcer la lettre P et ne put jamais dire que T » (3). Moins facile pour les adultes, le français est tel « que les enfants qui ont la langue assez bien pendue prendraient
(1) Garneau. I, p. 144. (2) Rochemonteix. I, p. 42. (3) Sagard. II, p. 332.