— 35 — rivière du Dauphin. Autour de la robe brune, une douzaine de têtes cuivrées font effort pour être attentifs. D'un geste large et à plusieurs fois répété, le maître trace sur lui, lente- ment un grand signe de croix... Après la leçon de catéchisme, on installe un grand tableau où des leçons graduées initient les jeunes élèves aux mystères de l'alphabet, de la lecture et des quatre règles. On s’exercera ensuite aux chants liturgiques ou populaires, qui, le dimanche suivant, entre les murs de la petite église, unissent les voix et les cœurs et réjouissent les anges » (1). Cette charmante description nous prouve que les Pères savaient tenir compte de la nature des Indiens qui se seraient mal accommodés, pendant l'été, de passer de longues heures entre les murs sombres et bas du séminaire. Mais il faut.bien se garder d'en inférer que les cours étaient des plus élémen- taires : malgré la pénurie des documents sur la vie intime des x colons à cette époque, il nous est possible, grâce à quelques renseignements heureusement conservés, de reconstituer la vie si intéressante et si fortunée du premier élève acadien, Mathieu Martin. Nous trouverons dans cette vie la preuve que les programmes de Port-Royal n'étaient pas si élémentaires qu'on pourrait se l’imaginer. Né à La Hève vers 1633, second fils de Pierre Martin et de Catherine Vigneau, premier Français né en Acadie, il est, en quelque sorte, le doyen des écoliers acadiens. Le recensement de 1671 lui donne le titre modeste de tisserand, mais avec la charge plus importante de «traiteur européen », travail qui demandait « des opérations complexes de calcul et de multiples écritures » (2). Et cependant, le 4) Écho de Saint-François, 1914, p. 239. (2) Écho de Saint-François, août, 1914.