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La mère acadienne apprend le français à son enfant, dès le berceau, elle lui apprend à bégayer et à aimer la langue fran- çaise ; c’est de cette langue qu'on use dans toutes les familles acadiennes, alors même que tout ses membres connaîtraient l'anglais. Des étrangers, en entendant parler des Acadiens, s'étonnent que leurs conversations s’émaillent de mots, dont ils devinent plutôt qu'ils ne comprennent le sens. Pour peu qu'ils soient hostiles à ces Acadiens et ignorent la vieille lan- gue française, ils ne manquent pas de les accuser de parler patois : ils montrent du coup que leur connaissances linguis- tiques sont bien faibles. L'Acadien, séparé de la France depuis plus de deux cents ans, a conservé avec une fidélité remar- quable le parler de ses aïeux ; les expressions qu'il emploie en Louisiane sont les mêmes qu'en Acadie ou au Labrador où vivent aussi des Acadiens depuis l'expulsion : pourtant ces groupes n’ont eu entre eux aucune relation depuis 1755. Certains mots, certaines expressions rappellent le français de Marot, de Ronsard et de Rabelais. Quelles délices pour les étudiants acadiens, dans leurs études supérieures, de retrouver dans les auteurs de la fin du XVIe siècle, les mots qu’ils ont entendus de leurs vieux parents.
Ce français légué aux Acadiens, hâtons-nous de le dire, n'avait rien de commun avec les nombreux patois en usage alors dans différentes provinces de France : « c’est la vieille langue nationale » (1) ne craint pas d’affirmer un professeur qui a longuement étudié leur langage. En effet plusieurs colons acadiens venaient de Paris (2); plus nombreux encore étaient leurs seigneurs, gouverneurs, officiers qui possédaient,
(1) Geddes, préface. (2) Lauvrière, I, p. 169.